Notre-Dame : lettre ouverte de Pascal Jacob

Lettre au Président de la République de Pascal Jacob, Président d’Elysées Mogador et de Strater, Ingénierie et expertises des charpentes et des structures en bois, Vice-Président de l’Association Française des Eaux & Forêts. Président d’Elysées Mogador et de Strater. Paris, le 19 avril 2019. Reconstruction de la charpente de la Cathédrale Notre Dame de Paris.

Monsieur Le Président de la République,

Ne pas reconstruire à l’identique la charpente de Notre Dame serait priver la nation de l’un de ses plus prestigieux symboles et sans doute d’une des plus belles références mondiales en termes de structures bois. Cela serait inacceptable. 

A l’heure où le monde lutte contre les effets désastreux des émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation d’un autre matériau que le bois serait donner un bien mauvais signe à l’échelle planétaire au mouvement écologique dont notre pays est le leader depuis la COP 21 qui s’est déroulée sur notre sol et où le premier accord universel pour le climat a été approuvé à l’unanimité par les 196 délégations.

Sans vouloir opposer les matériaux les uns aux autres, le bois – pour les éléments porteurs de la future charpente – présente beaucoup plus d’avantages que le béton ou le métal malgré le choix en urgence en faveur de ces matériaux qui a été fait pour certaines reconstructions de cathédrales et d’autres ouvrages monumentaux. Je rappelle que si cette charpente avait été en béton ou métal, elle n’aurait jamais tenu neuf siècles et, compte tenu de la violence de cet incendie, Notre Dame ne serait plus aujourd’hui. En effet, le béton comme l’acier deviennent très rapidement instables face à une augmentation de température très élevée. La charpente se serait effondrée, détruisant intégralement la voûte, fragilisant la structure dans son ensemble et conduisant à l’effondrement certain de la cathédrale. Chacun a remarqué que les restes de la charpente bois consumée sont – eux – restés sur le dessus de la voute ce qui a été confirmé par les images aériennes de l’incendie et n’ont pas endommagés celle-ci sauf, à priori, à l’endroit où la flèche s’est effondrée. Par ailleurs, quel que soit le système constructif, le risque d’incendie ne peut être éliminé. 

La seule difficulté d’une reconstruction en bois pourrait résider non pas dans l’impossibilité de trouver des chênes en quantité ou qualité suffisante – il n’y a pas de débat sur ce sujet (1) – mais dans les capacités actuelles des scieries pour réduire rapidement l’humidité si l’on retient des bois massifs aux équarrissages identiques à ceux de l’ancienne charpente. Notons, compte tenu des difficultés de levage de l’époque, que cette charpente était constituée de bois de relativement petites sections.

​D’ailleurs plusieurs années s’écouleront avant la réalisation des travaux, ce temps permettra aux bois sélectionnés de sortir progressivement de leur état humide et pourra limiter, ainsi, le recours au séchage artificiel. Il existe également des nouvelles solutions techniques permettant d’utiliser des matériaux tels que les bois massifs reconstitués notamment le bois lamellé-collé en chêne. Cette technologie permettrait de contourner la difficulté de séchage puisque ces matériaux reconstitués sont composés de lamelles beaucoup plus faciles à stabiliser.

Par ailleurs, la cathédrale Notre Dame a été conçue et construite dans une logique qui associe la pierre et le bois. Cette conception initiale a tenu compte des particularités du bois notamment sa légèreté et son élasticité. En reconstruisant à l’identique cette charpente, ce mariage ne serait donc nullement remis en cause et donnerait toutes les garanties pour respecter le délai que vous avez fixé à cinq ans. Au contraire, le choix d’autres systèmes constructifs nécessiterait des études complexes et retarderait d’une façon significative la reconstruction.

Pour terminer, notre pays dispose de toutes les compétences techniques nécessaires à cette reconstruction. Tout d’abord, les ingénieurs, spécialisés en structures bois capables de modéliser et d’étudier un tel ouvrage, sont nombreux sur notre territoire. Ensuite, de très nombreuses d’entreprises françaises disposant des qualifications nécessaires sont en capacité de réaliser ce travail de reconstruction. Enfin, en choisissant cette option de reconstruire à l’identique la charpente de Notre Dame de Paris, quel formidable message d’espoir vous pourriez adresser aux jeunes qui souhaitent s’orienter vers les métiers artisanaux et artistiques utilisant un matériau noble, écologique et esthétique : le bois.

Je reste à votre entière disposition.

Je vous prie d’agréer Monsieur Le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.